SG.Gaw
- "C'est par
le biais d'une participation à un atelier d'écriture, pour la ville de
Rouvroy,
animé par Monsieur Frédéric H.Fajardie
(écrivain) et par l'association Colères du
Présent; voici la
nouvelle que j'ai écrit et mon illustration de couverture ci-dessous. "
Travail
d'une vengeance:
Elle
se tenait là, devant la fenêtre, à attendre son
sauveur. Ce moment, je l’avais tant espéré, si
désiré. Il devait être une délicieuse
vengeance. Chaque minute aurait dû être de la jouissance.
Cependant, ce n’était plus qu’une misérable mise en
scène. J’ai honte ! Que suis-je devenu ? Un homme de
trente ans tellement aigre, aveuglé, qui n’avait vécu
et qui ne s’était nourri qu’au travers de sa vengeance.
Elle m’avait mangé de l’intérieur et torturé
l’esprit. Pourquoi ? Pour un instant que je ne savourais même
pas. Ma vie ne semblait plus être qu’un vide. Pourtant, je la
tenais, elle allait me lécher la main, tant elle était
dépendante de moi. Elle n’avait que cette solution. Le
suicide était impossible à envisager pour elle, si
chrétienne et si mesquine à la fois. Elle, qui avait
rendu mon existence si négative, était là, à
me sourire.
A
cette époque, lorsque ma mère tomba gravement malade je
n’avais que neuf ans. Elle avait de grosses absences, de plus en
plus répétées. Les associés et les
actionnaires de sa société l’avaient, eux aussi,
remarqué. Ils s’inquiétèrent, non pas pour la
santé de ma mère, qui leur avait fait gagner
énormément d’argent, mais davantage pour leurs futurs
bénéfices. Comment en aurait-il été
autrement ; dans une société tellement individualiste,
où l’humanisme n’avait plus sa place? C’est ainsi qu’ils
firent appel à ma jeune tante Clara, diplômée de
Harvard. Ils n’eurent pas de grosses difficultés, à
mettre ma mère sous tutelle. Mon père n’étant
plus, Clara devint ainsi ma tutrice et le nouveau PDG de la société
« Chocorize ».
Elle
s’occupait bien de ma mère. Elle administrait les doses de
médicaments nécessaires à sa guérison.
Surtout au début de sa maladie, afin qu’elle puisse avoir
une chance de retrouver une vie normale. Cependant, le médecin
s’étonnait à chacune de ses visites du peu
d’efficacité des médicaments. Il prescrivit des doses
de plus en plus fortes, sans grand résultat. Ma maman sombrait
irrémédiablement dans le néant, jusqu’au jour,
où il n’eut plus d’espoir de guérison pour elle.
Deux
ans plus tard, dans le grenier, je cherchais un vieil album de photos
qui devait me rappeler les jours heureux où ma mère se
souvenait encore de moi. Quand soudain, je tombais malencontreusement
sur une
grosse caisse qui me fit basculer en arrière ! Je fus
intrigué par celle-ci ! Mais que fait-elle en plein
passage ? Seraient-ce des souvenirs de ma mère ?
J’avais hâte de l’ouvrir, pour découvrir un peu du
passé de ma maman. Vite un étau ! Enfin, ouverte !
Je fus surpris de voir une caisse remplie de boîtes, avec de drôles
noms. Je notais les noms étranges et vite,
j’allais voir ma tante pour lui faire part de ma découverte.
Elle m’expliquait qu’il s’agissait de produits dangereux
qu’utilisait ma mère pour sa société et qu’il
ne fallait pas y toucher, qu’elle ferait le nécessaire pour
les faire disparaître, pour ma sécurité.
C’est
bien plus tard, en faisant mes bagages de départ de chez ma chère
tante, que je compris en retrouvant ce bout de papier, sur le sol de
mon placard, où il s’était fait oublier, qu’il
s’agissait des médicaments non administrés, à
ma mère. Et maintenant, Clara me fait comprendre qu’elle
ne pouvait plus me garder chez elle, à cause de mauvais
placements qui avaient ruinés la société
Chocorize et de grosses hypothèques notamment sur la maison de
famille. Non, personne n’aurait pu déceler une parcelle de
méchanceté chez Clara, si pieuse. Pourtant, derrière
cette dévotion se cachait une personne envieuse et peu
charitable. Le médecin pouvait chercher tous les remèdes
au monde pour sauver ma mère, la maladie avait gagné
d’avance et pour cause. Je voulais des explications. Elle me
rétorquait que je n’avais pas de preuves et une grande
imagination.
Un
an après mon départ, elle qui avait dit sa famille
ruinée, je m’étonnais de la voir, aussi vite, dans
les journaux spécialisés sur les grosses fortunes. Ma
Clara vivait comme une déesse. Alors que moi, je vivotais de
petits boulots. Sans oublier, qu’elle m’avait volé ma
mère, mon avenir, mon statut social. Je voulus la rencontrer,
je trouvais porte close. Je lui écrivis, c’était
lettre morte. Je consultais un avocat, c’était peine perdue,
sans preuve ! Son plan avait bien été ficelé. La
seule preuve qu’elle avait oubliée, je lui avais servi sur
un plat. Ce qui me rendait fou de rage. Je devais rétablir les
choses, pour ma mère.
Pour
commencer, il me fallait des rentrées d’argents fixes. Je
passais le concours de préposé aux postes. C’est ainsi
que je devins facteur, dans le 17ème arrondissement, à Paris. La
distribution de courriers me convenait très bien, car l’idée
de vengeance me rendait de plus en plus timbré ! A la fin
de chacune de mes tournées, je me précipitais chez moi
pour élaborer la mise en œuvre de ma stratégie :
« détruire Clara ». Ma tante avait un
péché mignon, elle était vaniteuse, elle adorait se
montrer en société. Le paraître de Clara me
donnait de précieux indices pour la construction de mon plan.
Chaque article de journaux sur sa petite personne était
épluché, à la loupe. J’appris, ainsi, le nom
de son adversaire qui souhaitait sa perte, tout comme moi. Comment
l’approcher ? Pour l’adresse, rien de plus facile,
je
travaillais à la poste.
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Pour
les termes techniques sur la finance, je me renseignais auprès
de mes usagers qui étaient une bonne source d’informations.
Jamais, ils se méfiaient du gentil facteur, très sympa
qui les faisait parler, à sa guise. J’ai du talent, pour la
communication. Mon plan prenait forme. J’attendais, depuis deux
ans, ma mutation, pour la poste du 13ème arrondissement de
Paris, pour être le facteur privilégié de la
société Luminel. Elle arriva, enfin !
Très
vite, le personnel de cette société appréciait
le nouveau facteur que j’étais. J’obtins d’eux les
informations nécessaires, sur les personnes que je devais
rapidement contacter. Le châtiment de Clara me prenait
énormément de temps. Je sortais très peu et la
fatigue se faisait sentir, chaque jour davantage. En me voyant,
parlant seul, mes collègues de travail s’inquiétèrent
pour ma santé. Mon supérieur me convoqua dans son
bureau, mais en découvrant mon physique déplorable, il
me demanda de prendre quelques jours de congés. Je n’acceptais
pas, car mon travail était décisif, dans l’obtention
de renseignements et pour rencontrer Juliette Rio, une personne
influente dans la société Luminel. Néanmoins, je
consentis un compromis, prendre un tiers-temps pendant quinze jours.
Je n’avais pas vraiment le choix, à vrai dire.
Pour
approcher mademoiselle Rio, j’avais relevé ses jours de
présence, trié son courrier et le fis envoyer en
recommandé.
Le
mardi 20 mars, je rentrais enfin dans le bureau de Juliette Rio pour
lui faire signer un recommandé. Quand, soudain je fus foudroyé sur
place. Jamais, je n’avais ressenti cette vive émotion. Mon
obsession à vouloir me venger n’était plus ma
priorité. Elle était Juliette, Juliette, Juliette !
Je faisais le beau, le comique, pour lui plaire. Je peux vous dire
que les lettres recommandées étaient de plus en plus
nombreuses. Elle s’étonnait d’en recevoir autant !
Je me foutais que cela soit suspect, du moment que je pouvais la
voir. Elle riait aux éclats, j’étais heureux. Quand
enfin elle accepta une de mes invitations ! J’étais aux
anges ! Très vite, le mariage était programmé et
les enfants arrivèrent. J’étais heureux !
Elle
me faisait évoluer, je quittais mon poste de facteur pour
entreprendre et créer ma propre boîte. Cela me prenait
beaucoup de temps. Tout fonctionnait super bien. Quand j’entendis
prononcer le nom de Clara par ma Juliette. L’idée de
vengeance était toujours en moi. Elle était revenue au
galop ronger mon esprit. Je n’avais plus de temps, pour ma
famille, je les négligeais. Juliette ne souriait plus, mes
enfants me punissaient en me traitant comme un étranger, à
la maison. J’avais mal. Mais, je ne pouvais faire autrement et
laisser le crime de Clara impuni.
A présent, j’étais
un interlocuteur sérieux,
pour Charles, le patron de Juliette. Elle m’avait ouvert ses
portes, je devins son pote, comme il disait. Clara et Charles se
détestaient. Ils se vouaient une haine que je ne comprenais
pas. Pourtant, ils étaient si semblables, l’un
éventuellement, peut-être, moins hypocrite que l’autre.
J’offrais à l’ennemi de Clara les moyens de la ruiner. Il
avait l’argent, pour faire l’O.P.A. (offre publique d’achat),
sur une entreprise m’appartenant et qui "valait que dalle". Pour ce,
nous devions fournir à ma chère tante des informations
incorrectes, par le biais d’un de ses collaborateurs zélés.
Connaissant
la réaction de ma tante pour le prestige, elle ne pourrait
s’empêcher de renchérir l’offre. Alors que Charles
et moi, nous nous s’inclinerons, en temps voulu. La date de
L’O.P.A. arriva. C’était une réussite, tout s’était
déroulé selon notre plan. Elle était ruinée
et moi, j’avais récupéré mon argent.
Ce
moment tant attendu était arrivé, Clara se tenait là,
à me sourire. Elle avait entendu parler de ma petite
réussite, au 20h. Elle devait se dire qu’elle m’avait
plumé une fois, pourquoi pas une deuxième fois. « Alec,
mon cher neveu, j’ai de gros souci financier, je te supplie de
m’aider, pour ma famille, tout comme je l’avais fait pour ta mère
et toi. » Elle, qui avait miné ma vie, laissé
ma mère s’enfermer dans sa maladie, se permettait de dire de
telles injures. C’est à ce moment-là, que je pris
réellement conscience, que dans mon acharnement à me
venger d’elle, c’était elle qui gagnait ! J’étais
aussi, misérable qu’elle. Comme elle, qui avait effacé
ma mère de son existence, pour mieux briller ! Moi, c’était
à vouloir la détruire à tout prix, pour
récupérer mon rang.
- « oui, je vais te laisser une chance, Clara. »
Elle eut un soupir
de soulagement.
-
« Mais, il y a une condition… »
-
« Je m'en doutais, tu es comme moi, Alec. »
-
« Non, Clara, pas comme toi, tu n’as laissé
aucune chance à ma défunte mère. J’en laisse
une à ta famille. Cela ne dépend plus que de toi. Mon
exigence est que tu dévoiles enfin, ton vrai visage à la
presse. Si tu le fais, tu sauveras ainsi ta famille de la ruine. Toi
qui voulais être connue, tu le seras pour ce que tu es. Ta
famille a le droit de savoir et de te voir telle que tu es. Ne te
fais donc pas de souci, ton crime est prescrit. Tu échappes
donc à la prison, mais un autre enfermement t’attend, à
présent! ».
Quant
à moi, il me fallait reconquérir l’amour des miens.
J’avais perdu trop de temps à perdre ma vie, dans le travail
d’une vengeance sans saveur où j’avais oublié ma
Juliette, mes enfants et de vivre, surtout !
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